top of page
Capture d’écran 2024-04-04 à 19.22.06.png

ALAIN CAPESTAN

Qui êtes-vous ? Que faites-vous ?

Je suis l’un des co-fondateurs du groupe Voyageur du Monde mais je représente au sein d’ATR Comptoir du Voyages, j’exerce dans les deux entreprises. Nous avons rejoint naturellement ATR lors de sa création et nous étions les premiers voyagistes « sur-mesure » donc hors activité trekking.

J’ai fait des études d’économie, de finance et de marketing à l’Université Paris Dauphine. Après un parcours dans différentes sociétés, je suis rentrée dans le domaine du voyage avec mes associés en 1996, avec l’idée établie de longue date que l’on pouvait tout à fait envisager le développement harmonieux des entreprises et leurs épanouissements économique, en intégrant une dimension sociale forte, matérialisée par une juste répartition des richesses créées par l’entreprise, ainsi qu’une dimension environnemental visant à éliminer ou à réduire le plus possible les effets pervers de toute activités économiques sur son environnement. Ces convictions profondes, je les ai toujours eues depuis que je travaille dans le monde de l’entreprise. La notion du partage du profit est une dimension extrêmement forte de notre démarche et de la mienne en particulier. Par ailleurs, il faut éviter d’endommager notre environnement et la planète sur laquelle nous vivons et lorsque cela n’est pas techniquement possible, rétablir l’équilibre et annuler ces effets pervers et néfastes liés à l’activité. Il était important pour tous les associés fondateurs du groupe d’installer cette double démarche dès le début de notre activité. Notre principal problème en tant que voyagiste était représenté par les émissions de gaz à effet de serre produits par nos clients lors de leurs voyages. C’est la raison pour laquelle nous avons créé une fondation, la fondation Insolite bâtisseur Philippe Roméro, il y a 12 ans maintenant. Elle a pour objet, entre autres, d’absorber la totalité des émissions de CO² produite par nos clients mais aussi par l’entreprise et ses collaborateurs, en organisant des programmes de reforestation principalement en zones de mangroves. Elle traite également d’autres sujets, comme le financement de projets de création d’activités touristique locales ou encore, l’aide à l’action humanitaire ainsi que l’aide au migrant. Ainsi notre fondation finance l'ONG SOS Méditerranée depuis 4 ans. En parallèle de cela, sur le terrain social, le Groupe reverse entre 25% et 30% de ses profits à l'ensemble des salariés, nous l’avons toujours fait depuis 1997.

Plus personnellement, je suis passionné par le monde de l’entreprise et ce qu’il représente comme opportunités. J’essaye du mieux que je peux, de transmettre à de jeunes entrepreneurs que je rencontre les valeurs qui intègrent ces dimensions sociales et environnementales, qui constituent selon moi, le seul moyen de poursuivre un développement de l’humanité plus harmonieux.

Pour le reste, je suis un fervent voyageur et je suis convaincu que le voyage tel que nous le proposons, développe la tolérance, cette capacité d’aller à la rencontre de l’autre à l’autre bout de la planète, et d’apprendre de lui. Mieux comprendre est un facteur qui favorise la paix. Je suis très favorable au voyage dans l’éducation, pas forcément sous l’aspect commercial des choses, mais en tant que système qui permet de fédérer les hommes et de faire en sorte qu’ils se rencontrent, qu’ils se parlent et qu’ils se comprennent mieux.

J’aime aussi le sport, notamment le tennis, et le cinéma.

Le comptoir du voyage est spécialisé sur le voyage sur-mesure, la marque possède un site marchand et différents points de vente : Paris et province. La dimension forte de l’entreprise est le voyage immersif privilégiant la rencontre. Le principe est que pour rentrer d’un voyage un peu plus instruit, il faut s’immerger dedans et ne pas se contenter d’une vision en surface, juste d’un hébergement, d’un transport aseptisé et climatisé dans lequel on ne voit personne. Il est nécessaire d’aller au contact des gens dans les transports locaux en passant du temps avec des habitants, en favorisant les rencontres. Nous sommes dans un processus du voyage qui va faire que les clients vont se retrouver plonger dans le pays comme si c’étaient des autochtones. Cet engagement va jusqu’à être partenaires avec des Greeters dans les destinations que l’on propose. Par ailleurs, il est essentiel de comprendre ce que les clients sont en capables de supporter ou pas, de ce qu’ils ont envie et quel degré d’immersion ils recherchent par leur expérience de voyage, parce qu’elle peut varier beaucoup d’un client à un autre.

Il faut pouvoir le décoder de manière fine pour aller le plus loin possible dans cette dimension immersive.

Pourquoi avoir adhéré à ATR ?

Avant même l’existence d’ATR, nous avions d’ores et déjà, adopté des comportements qui était proches, même parfois qui allait au-delà du référentiel actuel car nous faisions l’absorption du CO². C’est donc un peu naturellement que nous avons rejoint l'association.

Que représente pour vous le tourisme responsable (en général) ?

Qu’est-ce que représente le concept « d’être responsable » ?

C’est d’abord la prise de conscience, que l’activité économique et donc le voyage pour nous, peut avoir des effets néfastes, qu’il faut donc contrebalancer par des actions correctrices et par des engagements à prendre dans ce contexte. ATR est une liste de bonne pratique, ce qui signifie qu’il y a des mauvaises pratiques, c’est donc un engagement pris par ses membres, de converger vers ces bonnes pratiques en éliminant les mauvaises. Paradoxalement c’est aussi ce qui fera qu’on pourra se maintenir dans notre activité future car si on détruit l’environnement, on scie la branche sur laquelle on est assis. Comment faire la promotion d’un monde ou de destination que par ailleurs on détruit par notre activité ? Cela ne peut qu’être une politique qu’à court terme. Donc le mot « responsable », renvoie à la fois vers : engagement à ne pas faire des choses néfastes mais aussi, une prise de conscience dans la durée.

 

Et c’est valable pour toutes les activités.

C’est un engagement et reconnaissance de chaque opérateur, qui a le droit de le porter. Il est vérifié à travers les différents engagements de l’entreprise en question. Il est nécessaire que ces mesures soient conformes à l’ensemble des règles posées par l’association en termes de fonctionnement dans le cadre des voyages. Ce label atteste que le membre adopte les bonnes pratiques préconisées par l’association.

Il y a encore peu de temps ATR ne travaillait pas sur l’absorption carbone, cela commence seulement à se faire. Cela concerne les émissions carbones des entreprises seulement et bientôt, ATR va progressivement les émissions clients progressivement. Arriver à 100% des émissions absorbées, celles de l’entreprise et aussi celles des clients, n’est pas simple. Il faut que les entreprises petit à petit s’adaptent à ce nouvel environnement.

Par ailleurs, ATR ne vise encore qu’une partie des agents de voyages, elle travaille aujourd’hui qu’avec des voyagistes engagés dans l’activité randonnée, trekking ou dans le sur-mesure, circuit accompagné, les autres activités du tourisme commencent à être intégrés dans l’association. On est sur le bon chemin.

Comment agir pour un tourisme responsable ? 

Comme dit précédemment, nous absorbons 100% de CO² de nos clients, c’est un élément fort. Ensuite, nous tenons à nos engagements, notamment sur les terrains avec les réceptifs : surveiller l’absence de travail des enfants, prévenir le tourisme sexuel, veiller à ce les guides et les accompagnant dans nos destinations aient des revenus corrects leur permettant de nourrir leur famille, etc.

La dimension financière est très importante. Si un opérateur de voyage passe son temps à négocier des tarifs à la baisse, évidemment qu’il y aura des impacts directement. J’ai créé des filiales à l’étranger au sein du groupe Voyageur du Monde, trois réceptifs : un en Islandeun au Maroc et un en Grèce. Le groupe possède également des petites structures hôtelières comme par exemple à Johannesburg, à Salvador de Bahia, à Marrakech ou en Egypte. Ainsi lorsque ces structures dégagent des bénéfices, nous payons les impôts localement, sans rapatrier ou optimiser la fiscalité. C’est avec ces impôts que les pays de destination fabriquent des routes, des hôpitaux, des écoles etc. C’est comme cela que l’on favorise le développement local.

Il ne faut pas que l’image des touristes sur place soit simplement des personnes qui ne font que prendre sans jamais donner, cela créer de l’instabilité sur le territoire. Il est nécessaire que l’activité touristique contribuent à aider les pays concernés, qu’elle génère des richesses et préserve les ressources dans lesquelles elle se situe.

Au sein de Comptoir du Voyage, je suis animateur d’entreprise, mon rôle est de favoriser la mise en place de bonne pratique et de favoriser son développement. Pour la fondation par exemple, les salariés peuvent proposer des idées et/ou projets en les proposant au conseil d’administration de notre fondation Insolite Bâtisseur. Il y a 7 ou 8 de projets qui émergent chaque année qui sont portés par salariés, c’est très fédérateur et motivant pour les équipes.

La fondation créée par Voyageur du Monde, dirige des projets de développement durable ou d’aide au développement dans des communautés et pays visités tel que des programmes de reforestation pour absorber le CO². Les salariés peuvent participer à ces programmes, au Sénégal, en Indonésie ou en Inde. Ces actions permettent de transmettre en interne l’intérêt de participer à l’émergence d’un projet.

Dans mon quotidien, je trie mes déchets, j’essaye de limiter mon émission de CO², j’ai opté il y a 4 ans pour une voiture électrique… j’essaye de mettre en pratique tout ce que je connais pour essayer de peser du moins que je peux sur la planète.

Aujourd’hui, vous avez toute une partie de l’activité touristique qui est responsable. Tout ce que font les membres d’ATR emmènent finalement à fabriquer un voyage qui a une empreinte extrêmement faible sur la planète. Est-ce que cela veut dire que tout le tourisme est comme cela ? Non. Au contraire, l’essentiel de l’industrie touristique (le voyage de masse) n’est pas du tout là-dedans. Ils n’arrivent pas à réaliser ces bonnes pratiques sur les deux sujets fondamentaux : sur l’empreinte écologique puis sur l’empreinte humaine et sociale dans les destinations.

Il est donc nécessaire qu’ATR fasse la promotion dans le monde du voyage de ces problématiques, car cela concerne un nombre d’opérateurs encore assez faible, et précisément les modules et les flux qui sont beaucoup trop petit par rapport à la globalité du marché du tourisme français.

Il faut arriver à convaincre plus d’opérateurs. Le confinement a vu fleurir de nombreux mouvements concernant « le tourisme de demain », il faut maintenant agir !

D’après-vous, quelles vont être les conséquences du Covid 19 ? Sur la profession ? Sur le monde du tourisme et des TO ?

Sur le plan économique de l’année 2020, cela va être assez dramatique. Les opérateurs de voyage vont énormément souffrir à cause des faibles départs des clients. Il va sûrement avoir des faillites d’agences de voyage en 2020 et 2021, qui va entraîner du chômage conséquent. Nous avons de forte chance de rentrer d’une crise assez inédite compte tenu de l’ampleur de ce qu’il s’est passé et en particulier dans le secteur du voyage. Même si l’ensemble des activités des pays qui sortent tout juste du confinement redémarre, le tourisme ne redémarre pas, ou de manière extrêmement marginale. Aujourd’hui, on vend de la France et voir un tout petit d’Europe mais le reste est complètement à l’arrêt. Le redémarrage de cette machine du voyage est lent et complexe, il va avoir un impact nécessairement fort sur les bénéfices. C’est dans ces moments-là que l’on s’aperçoit que nous sommes peut-être aller trop loin sur des volumes créant des impacts négatifs sur la planète.

Dans le futur, certains opérateurs devraient réduire la voilure de manière à avoir un flux touristique raisonnable. Le bénéfice en sera supérieur dans tous les domaines à la fois en termes d’impact d’économie locale mais aussi en cas de réduction de l’empreinte sur la planète : on devrait voyager moins fréquemment et plus longtemps, sur des durées de voyage qui sont plus longues et plus utiles en termes de compréhension. Le voyage doit aider à être un peu plus riche, un peu plus cultivé et un peu plus tolérant.

Nous allons être impactés financièrement sur notre activité mais nous avons des réserves et on passera donc le cap. Par contre, sur notre production de voyage, nous allons continuer à agir de la même manière car nous sommes déjà dans le voyage de demain, comme beaucoup de membres d’ATR.

Le voyage et vous

Quel est votre meilleur souvenir de voyage ? (Une émotion, une sensation, une rencontre ?)

J’ai toujours beaucoup voyagé avec mes enfants et j’ai plein d’anecdotes assez sympas. Une fois en Birmanie, j’ai vu mon fils qui en avait marre de visiter les pagodes, il ne voulait plus monter et décide de rester en bas. Je le vois s’approcher d’adultes qui jouaient aux billes. C’était un jeu où visiblement ils jouaient de l’argent donc il regardait et observait. À mon retour, les hommes ne jouaient plus d’argent et ils jouaient tous ensemble. Je ne sais pas comment il a compris les règles mais tout le monde s’amusait. Ils n’étaient absolument pas paramétrés pour se rencontrer ni pour pouvoir échanger, mon fils avait 5 ans. Comment un enfant avec des adultes dans un pays étranger et une langue étrangère, arrive à établir une communication suffisamment forte pour que les uns apprennent un jeu à l’autre sans être capable de communiquer ?

Quel est votre voyage de vos rêves ou votre prochain voyage ?

J’ai deux rêves : Je rêve d’aller en Patagonie. Et je rêve aussi d’aller dans le Sud Algérien, je n’ai malheureusement pas pu le faire avant que ce soit devenu dangereux.

 

Ma photo de voyage : J’étais en Mauritanie en train de chercher un emplacement pour un campement et il a plu à ce moment-là dans le désert. Cette pluie a créé un lac entre les dunes, phénomène extrêmement rare. – Désert de l’Adrar - Mauritanie – 2005.

Alain Capestan voyage
bottom of page